L’ARAIGNÉE HUMAINE

“L’araignée humaine”

L’ARAIGNÉE HUMAINE

Le parking était d’un noir, d’encre, Aman, leur guide n’était pas encore arrivé . Héloise s’approche de la voiture, Derek sur ses talons, les yeux encore remplis du spectacle ; ce n’est pas tous les jours qu’on assiste au coucher d’un dieu vivant.
C’est une nuit sans lune, Derek en profite pour sortir une cigarette, Il farfouille dans sa poche à la recherche d’un boite d’allumettes ou d’un briquet, quand son geste se fige.
A la lisière du parking, une ombre se déplace, comme un carré d’obscurité découpé dans la nuit. La chose reste près des limites de la place, et se confond avec les quelques voitures garées sur l’espace de fortune aménagé aux abords du temple.
Derek se tourne vers Héloise. Elle regarde en direction du temple, espérant voir arriver Aman.
IL regarde à nouveau en direction de l’ombre en mouvement, il lui semble qu’elle progresse sans qu’il soit possible d’identifier exactement ce dont il s’agit.
Héloise pousse un hurlement, quelque chose lui a frôlé la main. Elle baisse son regard et voit une espèce de monstre, un enfant à quatre bras et quatre jambes, la colonne vertébrale à l’horizontale, qui se déplace en restant allongé sur le sol, comme une énorme araignée humaine.
La créature, en appui sur un bras, tend une main ouverte vers Héloise, dans le geste familier des indiens pour demander l’aumône.
Horrifiée, Héloise va hurler à nouveau, lorsque le monstre tourne la tête vers elle . Elle reste pétrifiée, le cri coincé dans la gorge, muette.
il a une tête étonnante, de grands yeux bruns, un regard doux, des cils recourbés, un nez droit plutôt long, une bouche aux lèvres ourlées, de belles dents blanches, un visage d’enfant sur un corps difforme .
Fascinée, Héloise tend la main vers son porte-feuille, et sort, en tremblant, maladroitement un billet froissé de 50 roupies.
L’enfant-araignée ferme les doigts sur le billet, frôle la main d’Héloise en faisant un grand sourire de joie.
Puis, toujours souriant, il tourne son corps difforme,vers l’ombre, et disparait, précédant le geste du guide , de retour d’une petite collation au temple, pour éloigner l’enfant malformé des deux jeunes européens.
Hoquetant de peur , Héloise, se laisse tomber sur les sièges arrière de la voiture.
Derek n’a pas vraiment distingué l’enfant.
Le guide s’excuse de son retard, il a tardé car il a accompagné le coucher de Ganesh, le dieu vivant . Effectuer ce rituel, chaque fois que possible, confère au pélerin, bonheur, chance et longévité. Les indiens sont friands et respectueux des traditions , fervents croyants en les bienfaits de leurs dieux.
Héloise, demande à leur guide des explications sur l’enfant mendiant.
Aman ne le connait pas , il sait seulement qu’il vient mendier sur ce parking, le soir. Il est vénéré par les habitants du quartier, qui voient en lui une réincarnation de Vischnou, avec ses innombrables bras et jambes…
Héloise, décide de profiter de leur séjour à Mumbay, pour revenir aux abords du temple, et revoir l’enfant.
Dereck et elle, doivent assister à un congrès sur les dernières avancées en matière de chirurgie orthopédiste. Le congrès démarre demain. Ils sont arrivés un jour avant pour s’habituer au climat et à la ville si différente des villes occidentales.
Le congrès se déroule sur trois jours. Dereck intervient le dernier jour, en clôture . Il compte présenter ses travaux sur les greffes et le développement des cellules souches en cas de remplacement de prothèses pour cause de rejet de celles ci.
Une communication très pointue, qui fait date dans l’avancée des travaux en ce domaine, et qui doit ouvrir le champ à une collaboration entre les équipes des chirurgiens des hôpitaux indiens et américains.
Dereck fait partie d’une équipe de chercheurs, chirurgiens, de l’hôpital de Baltimore. Ils sont des pionniers en matière de chirurgie orthopédique, de la reconstitution des membres.
Il est en Inde pour une mission de six mois, pour travailler avec les équipes médicales indiennes.
Héloise travaille avec lui, elle est médecin dans son équipe.Elle arrive de l’humanitaire, ils se sont rencontrés au cours d’une mission à Gaza, dans les camps de réfugiés palestiniens. Elle était en fin de mission et devait rentrer en France, il venait pour former les chirurgiens palestiniens aux opérations orthopédiques.
Ce fut la rencontre improbable, le coup de foudre.
Une fois rentrés en France, ils se sont revus, elle est allée passer plusieurs semaines à Baltimore, ils ne se sont plus quittés.
Ce voyage en Inde est leur premier voyage ensemble, jeunes mariés, presque une lune de miel. Héloise est enceinte de quelques semaines, Elle ne l’a pas encore annoncé à Dereck. Elle attend l’occasion , peut être s’ils peuvent s’échapper pour un diner en amoureux, demain après son intervention, ils doivent passer quelques jours à Goa, sur la côte. L’île des babas-cool est devenue vingt ans après, une destination branchée, très prisées des jeunes indiens, comme des occidentaux en mal de tropiques pas chers.
Derek et Héloise sont installés depuis deux mois à Mumbay
Héloise est revenue aux abords du temple, accompagnée du guide, elle a revu l’enfant .
Le temple est dédié à Ganesh, le dieu éléphant, joyeux et bon enfant, de la mythologie indienne. Chaque soir, la statue du dieu sort, portée par quatre prêtres choisis parmi tous les prêtres du temple, pour aller dormir, dans sa chambre à coucher, située à l’extérieur de la salle où la statue est exposée pendant la journée. Le coucher du dieu donne lieu à une cérémonie où les fidèles accompagnent le dieu dans sa chambre, avant que Lakshmi, sa femme le rejoigne pour la nuit.
Dereck et Héloise assistaient, pour la première fois, à cette cérémonie quotidienne, quand ils ont vu l’enfant sur le parking.
Il s’appelle Akul, un des noms de Vishnu, il a 11 ans. Il est le troisième enfant d’une fratrie de sept. Son père est employé dans une société de Rickshaw, sa mère vend des légumes sur le marché.
Akul gagne sa vie en mendiant. Du fait de sa difformité, il a un statut à part, dans la communauté des mendiants. Pour eux, il est une réincarnation de Vishnou, le dieu à plusieurs bras.
Il fait vivre sa famille avec l’argent qu’il rapporte. Et surtout, les habitants pensent, qu’en tant que réincarnation d’un dieu, il protège le quartier.
Héloise, en tout début de grossesse, est émue par cet enfant, qui ne se plaint jamais de son sort, et accepte sa difformité avec courage.
Une idée germe peu à peu dans l’esprit d’Héloise. Et si Dereck opérait l’enfant pour le reconstruire et lui donner une forme humaine?
Elle connait suffisamment les travaux de son mari, pour savoir que c’est possible, risqué mais possible.
IL va falloir convaincre Akul, ses parents, d’un coté, les équipes médicales indiennes , et Derek de l’autre.
Et il va falloir demander à Dereck de l’opérer. Héloise déploie des trésors de persuasion , allant d’un coté, de l’autre pour écouter, réfuter, palabrer, argumenter.
Dereck a été le plus difficile à convaincre. IL pense l’opération trop risquée et , sent le patient peu impliqué dans la possibilité de devenir un homme normal. Derek travaillant au quotidien avec les équipes médicales indiennes a appris peu peu à connaitre les mentalités. L’enfant difforme a un statut à part, il gagne très correctement sa vie en comparaison des autres mendiants. Il fait vivre sa famille. Ses parents, en particulier, sa mère, en tant que mère d’un Dieu vivant, a elle aussi une place à part dans le quartier.
Derek n’est vraiment pas d’accord sur l’idée d’Heloïse. Il résiste autant qu’il peut.
Mais Héloïse a elle aussi , en tant que médecin bénévole dans un dispensaire de quartier, appris à connaitre les indiens, en particulier leur sens de la persuasion, leur entêtement quand ils sont convaincus du bienfait de leur opinion, leur manière si particulière de résister sans violence mais avec une patience et une obstination caractéristiques.
Héloïse, est revenue à la charge, elle a discuté avec Dérek, palabré, argumenté, réfuté et finalement, elle a arraché à Derek, du bout des lèvres, un accord.
Héloïse a réussi, son mari et les équipes médicales acceptent de pratiquer l’intervention, sous réserve de la coopération d’Akul et de sa famille .

Elle est allée rencontrer les parents du garçon. Ils l’ont reçue dans leur petite maison, dans la pièce principale au sol de ciment, sans aucun meuble. La mère l’a mise en garde contre les dangers d’une opération qui irait à l’encontre de la volonté de Vichnou.
Héloïse, est surprise de l’attitude de cette mère qui refuse ce qui pourrait permettre à son fils de vivre une vie normale, au non d’une croyance qui lui semble d’un autre temps. Heloïse, occidentale, médecin, connait les limites des croyances indiennes même si, en médecine Ayuvédique, elle reconnait les respecter, voire les utiliser.
Lila se montre intraitable, elle refuse tout simplement tout ce qui pourrait priver sa famille de l’argent que leur rapporte Akul, et de la protection qu’il leur offre.

Akul, s’est contenté de regarder Héloïse, les yeux brillants, intéressé malgré les risques de l’intervention, de modifier son corps difforme
Lila lui a raconté l’histoire de la naissance de son fils;
La nuit qui a précédé la naissance d’Akul, elle a fait un rêve, que Ganesh lui a envoyé : tenceinte de jumeaux, elle rêve que le deuxième jumeau ne veut pas se séparer de son frère ,il lui a dit qu’il veut rester dans le corps de son frère et vivre avec lui.
Lila s’est réveillée, le matin du rêve, le travail de l’accouchement commençait.
Il a duré longtemps, plus de vingt heures. Au matin du jour suivant, elle a mit au monde un enfant qui avait quatre bras et quatre jambes, un enfant qui, comme celui du rêve, portait dans son corps, celui de son jumeau. Lila l’a nommé Akul, l’un des noms de Vishnu.
Le dieu des dieux, le dieu de la transformation, de la création. Il est le dieu de la stabilité du monde, le dieu de la création. Il prépare le prochain monde. Dieu du temps, Il est un protecteur des hommes. Vishnu est un des plus puissants dieux indiens. Il est le conservateur de la trinité, et il a quatre mains. Comme tous on lui connait des centaines de formes différentes, il a tout pouvoir de punition, si la discipline de la vie est ignorée.
Son véhicule est un oiseau rapide, qui peut étendre la connaissance avec le courage.Il dort sur le grand serpent enroulé qui représente l’univers endormi.
Vishnu est le dieu de la connaissance et de l’informe, dans son côté sombre. il a la charge de la préservation de l’équilibre du monde. Lorsque l’équilibre est perturbé, Vishnu s’incarne en un avatar et descend sur terre pour le rétablir.
Pour Lila, son fils, Akul représente, une forme d’équilibre, auquel il ne faut pas toucher sous peine de bouleverser les dieux !

Dans le quartier, la naissance d’Akul est considérée comme un miracle. Son développement et le fait que, contrairement aux prédictions médicales, il a grandi avec sa difformité, un signe de son origine divine. Akul représente, pour les gens du quartier, une protection contre le mauvais sort, une réincarnation de Vichnou, l’équilibre du monde. Tant qu’il reste avec eux, personne ne sera malade ou n’aura de maladie grave. Les enfants viendront aux jeunes couples, seront bénis et en bonne santé, ce qui, dans un pays de un milliard et demi d’habitants, est un but suffisant dans la vie.
Les gens du quartier voient en lui, un guide et un protecteur: Akul Infirme, difforme et vénéré , est condamné à rester dans le quartier dont il est le gardien.
En compensation, Il reçoit beaucoup de dons des personnes influentes de la communauté à laquelle il appartient, la caste des marchands, les vaishyas.
Il contribue à la vie de ses parents et de ses frères et soeurs.
Si on l’opère, pense Lila et qu’on sépare les jumeaux, aucun d’eux ne survivra, et la communauté perdra son protecteur!
Héloise écoute cette femme, une mère, refuser à son enfant handicapé l’espoir de vivre une vie normale, pour des croyances qui lui paraissent respectables mais délétères. Comme elle va , à son tour, être mère, elle ne peut se résoudre à accepter que le destin d’Akul soit aussi immuablement scellé.

La père d’Akul, Girik, l’attend à coté de son Rickshaw. Rieur et serviable, il remercie Shiva de lui avoir accordé une femme, de nombreux enfants et un métier pour nourrir sa famille.
Héloïse, songeuse, grimpe dans le rickshaw et repart, bercée par le balancement de la nacelle au gré des pas du conducteur, qui accélère la cadence, et se met peu peu à courir pour la conduire à bon port.
L’Inde est un pays, extrême, contrasté, un univers différent et étrange aux yeux profanes des occidentaux. Un pays qui possède l’arme nucléaire, et dont les habitants croient dur comme fer qu’une statue doit aller dormir le soir, dans son lit , et se réveiller au matin, pour être purifiée parce qu’elle a passée la nuit avec sa femme. Un pays où les deux font partie de la vie quotidienne et entendent chaque jour, les malheurs et les bonheurs des hommes.
Perdue dans ses pensées, Heloïse ne voit pas qu’ils sont arrivés, devant l’hôpital où travaille Dereck.
Elle descend du rickshaw et remercie son conducteur.
Girik essuie son dos ruisselant avec un linge gris. Elle éprouve une honte discrète à monter dans un cyclo tiré par un homme, honte vite tue, dans un pays, qui doit nourrir, plus d’un milliard et demi d’habitants, dont la moitié est analphabète, on ne regarde pas ce genre de chose comme en Europe.
Girik s’incline à l’indienne, les deux mains jointes à hauteur du plexus, et la saluant , lui donne une bénédiction. Il s’approche d’elle et lui dit :
-« ne soyez pas trop déçue, je vais discuter avec Lila et la convaincre de vous laisser opérer Akul. Mais il faudra donner quelque chose en échange , quelque chose de vous.. »
Enigmatique, Girik regarde fixement la jeune femme, qui, toute à sa joie, ne mesure pas la portée des paroles du conducteur de rickshaw.
Elle a un sourire de joie : «  merci beaucoup ! »
Héloise remercie, à son tour, joignant ses mains au niveau de son front saluant à l‘indienne, plusieurs fois.
Il sourit, et d’un signe de la main, fataliste, s’éloigne, tirant son rickshaw.
Héloîse secoue la tête, incrédule sur son succès rapide auprès de Gorik; la logique occidentale , ici, n’a aucune place!

Six mois ont passés.
Héloïse est fière d’avoir réussi a convaincre son mari, en premier lieu, les équipes médicales indiennes, ensuite, d’opérer Akul.
Le jeune garçon a accepté, avec joie et crainte mêlées, d’entrer à l’hôpital.
Héloïse, après la discussion avec Girik, a laissé passer un peu de temps. Un mois après, elle est retournée voir Lila. Cette dernière a baissé les yeux et refuser d’entendre parler d’opération.
Héloïse insiste. Elle dispose d’une donation de la part de son ONG, pour dédommager Lila et Girik de leur don, et offrir au temple une compensation.
Finalement, Lila , regardant Heloïse avec intensité, pose sa main sur le ventre gonflé de la future mère.
Lila a fermé les yeux et, la main sur le ventre d’Héloïse chante à voix basse, une mélopée, un chant sacré. Héloïse ferme les yeux. Elle reconnait la mélodie du chant du temple, cette nuit là, la première fois qu’ils ont vu Akul, sur le parking.
Héloîse sent l’enfant bouger dans son ventre. Comme réveillé il s’est tourné , d’un fort mouvement, quatre coups de pied et quatre petites mains se pressent contre sa peau, une prière ou un coup de pied, elle ne saurait le dire. Elle éprouve une douleur fulgurante dans le ventre. Elle ferme un instant les yeux. Elle doit s’asseoir. Lila laisse courir ses mains sur le ventre d’Heloise., une forte chaleur irradie ses viscères. Heloise manque tomber, le sol vacille sous ses pieds, une déflagration, puis plus rien. Un instant, elle perd l’équilibre et serait tombée si elle n’avait été assise.
Lila finit son chant, ouvre les yeux , un peu hagarde, elle revient de transe.
Les yeux encore égarés par quelque visions, elle accepte de laisser le docteur blanc opérer Akul.
Elle répète la phrase étrange de Girik :
« tu devras donner quelque chose de toi ! ».

Le jour de son départ, le quartier accompagne l’enfant-Dieu jusque sur le parvis de l’hôpital. Une procession, avec un éléphant sacré, détaché du temple est venue accompagner l’ enfant prodige.
Les travestis indiens, familiers de toutes les processions, en contact direct avec les divinités, sont entrés en transe, pour communier avec Vishnu et obtenir sa bénédiction, pour que le quartier ne soit pas victime de la colère du dieu, et que l’équilibre du monde soit préservé. les indiens détestent déranger l’équilibre du monde. Et pensent que les hommes doivent toujours s’attacher à le remplacer.
Si Akul s’en va, un autre devra venir.
La cérémonie a duré des heures, pendant lesquelles Heloise, a entendu le même chant que celui chanté par Lila, lorsque la mère d’Akul lui a donné son accord. Elle a du une nouvelle fois, s’asseoir victime de cette douleur intense, fulgurante dans le bas-ventre., un enfant si puissant, qu’il prévient sa mère des dangers de déranger les dieux. L’enfant , réveillé à nouveau, bouge en tous sens dans son ventre. Elle pose les mains de part et d’autre et respire lentement, très lentement, le calme revient.
En même temps, elle se rend compte qu’elle n’éprouve plus de sentiment de panique. Enceinte, elle a l’impression d’être au centre du monde d’être le centre du monde, un pivot autour duquel le monde s’organise, une force calme et tranquille l’envahit et l’emplit de joie et de sérénité. Elle ne pense plus à la mort ou alors la mort a changé de sens.
Ouvrant les yeux, Heloïse croise le regard intense de la m§re d’Akul, un regard si vibrant qu’elle en reçoit de l’électricité, un regard perçant, au delà de tout.

Akul a un sourire incroyable de générosité et de joie, il esquisse un geste de bénédiction , salue la foule venue l’escorter. Puis, il se tourne vers sa mère et son père, les embrasse longuement. Sa mère le bénit à son tour, les yeux clos. Son père le serre dans ses bras tout en retenue et en émotion contenue. Il ne convient pas de s’épancher en public, mais c’est un grand jour, la séparation va être longue, et Akul risque sa vie si l’opération ne réussit pas.
Les équipes médicales ont opéré Akul, huit jours après.
L’opération a duré douze heures. Douze heures, pendant lesquelles, Dereck, secondé par les médecins indiens, a coupé, sectionné, ligaturé , recousu, reconstitué, regreffé, jusqu’à ce que le patient allongé sur la table d’opération ressorte restauré, réparé, totalement différent de l’enfant difforme et malade qui y était entré.
Akul ,à son réveil , dispose de deux bras , deux jambes, une colonne vertébrale redressée. Il doit, cependant, effectuer un séjour d’un an, dans un centre de rééducation aux Etats Unis, afin de réapprendre à marcher , et rééduquer les muscles greffés par Déreck.
C’est une première au niveau de la chirurgie orthopédique fonctionnelle, mondiale, et un succès. Une opération qui assure à Dereck et son équipe indienne, une renommée internationale, et des fonds leur permettant de poursuivre les travaux de recherche et d’amélioration de l’hôpital. Plus de fonds veut dire un personnel, mieux formé et mieux qualifié. De grandes perspectives pour l’équipe médicale en place.
Dereck est devenu une star de la chirurgie orthopédique. Il a créé une fondation, dont s’occupe à plein temps, Sarah, la toute nouvelle jeune femme blonde, et rieuse qui se tient à ses cotés, une petite fille blonde aux grands yeux noirs jouant à ses pieds.
Le jour de l’opération d’Akul, Héloïse est entrée dans une clinique ,une maternité indienne, selon sa volonté car elle voulait accoucher comme les femmes indiennes, dans une clinique indienne. Les contractions ont commencé trop tôt, en avance d’un mois. Les médecins indiens ont tout tenté pour arrêter les contractions et stopper l’accouchement, en vain.
Au petit matin, Héloïse, au terme d’un travail de douze heures, a donné naissance à un enfant, une petite fille, difforme à la colonne vertébrale malformée, avec quatre bras et quatre jambes sortant du petit tronc .
Héloïse n’a pas survécu à l’accouchement. Elle est morte au petit matin, dans les bras de Lila, qui, les mains sur le ventre d’Héloise, chantait le chant qui faisait bouger le bébé dans le corps de sa mère.
Lila est venue accompagner sa fille, Mani, accoucher.
Dans la salle d’à côté, une salle commune, Mani, toute jeune fille âgée de quinze ans à peine, a donné naissance à une petite fille incroyablement blonde, aux grand yeux noirs.
L’accouchement de la jeune fille est long et difficile.

Au petit matin, juste avant une dernière poussée qui lui déchire le ventre, avec l’aide de Lila, sa mère, sans anesthésique, sous le coup d’une douleur insoutenable, Mani s’évanouit.
Les équipes se regardent, c’est la même infirmière qui tient les deux enfants dans ses bras. Elle lève les yeux , interrogeant Lila, la mère de la toute jeune fille et la sage-femme qui les a mises au monde. Lentement, Lila et la sage-femme hochent la tête.
Vite, aux premières lueurs de l’aube, sans bruit, elles échangent les deux enfants.
Toute la clinique sait que le docteur qui a sauvé Akul, l’enfant des quartiers pauvre est le père du bébé qui va naitre cette nuit, mais , si elles font vite, en toute discrétion, dans la torpeur de la nuit indienne, personne ne saura rien de l’échange des bébés.

Au petit matin, Dereck, épuisé par l’opération d’Akul, apprend la mort d’Héloïse. Il est anéanti par la nouvelle. Sarah, une de ses infirmières, une jeune femme blonde qui le seconde au bloc , vient chercher le bébé, la petite fille meurtrière de sa mère.

Personne ne prête attention à la toute jeune fille qui, en compagnie de sa mère, quitte discrètement la maternité, sa petite fille dans les bras.
Mani se glisse dans les ruelles du quartier , frôle les échoppes qui ouvrent juste leurs volets, et entre dans une maison, dont le toit tient de bric et de broc.
Devant, la petite maisonnée, un rickshaw attend.
Girik, fait ses ablutions du matin, et se débarbouille à la fontaine voisine.
Le dos tourné, de l’eau sur le visage et dans les yeux, Il ne voit pas sa plus jeune fille, la soeur d’Akul, Mani, rentrer discrètement à la maison, un bébé dans les bras.
Lila, accompagne sa fille, a assisté Héloïse dans ses derniers moments. Lila part se purifier au temple. Sans un mot, elle soutient sa fille et le bébé, la petite Lakshmi.
Elle prend l’enfant dans ses bras et délicatement, soulève le linge blanc qui l’enveloppe.
Du petit corps difforme, partent quatre bras et quatre jambes.

Lila sourit, et, rassurée, présente le bébé aux rayons de soleil du matin .
Lakshmi, nouvelle princesse du quartier est là. Comme Akul, en son temps, elle protègera les habitants, conférant à sa famille honneur et longévité, ainsi que de nombreux dons qui commencent à affluer, pour accueillir l’enfant déesse comme il se doit.

Lila, sa grand-mère et Mani, sa mère ont sauvé l’honneur de la famille et préservé l’équilibre du monde !
L’équilibre du monde, rétabli, le dieu peut dormir tranquille ce soir.
Dans le ciel pur du matin, un oiseau aux ailes d’argent fend l’azur. Lila sourit, Vishnu a signalé sa présence, son coursier emporte l’âme d’héloïse, qui, comme le lui ont demandé les parents d’Akul a donné, en échange, au monde quelque chose d’elle…

SARAHLOUP

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