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    LE JOUR OÙ LES ROBOTS ÉCRIRONT

    qui a dit qu'ils ne sont pas humains

    un tout jeune golden et le monde tourne autour de lui

    “Certains ne deviennent jamais fous, leurs vies doivent être bien ennuyeuses…” cité dans  Charles Bukowski

    “En attendant Bojangles”/O.BOURDEAUT

    Parfois, certains matins, ou certaines nuits, je ne peux pas écrire. En général ça me prend le soir, ou le matin tôt, je me réveille avec une drôle de sensation, dans la gorge ou au ventre et je ne peux pas écrire! Ces moments là, je suis orpheline des histoires que j’aurais pu inventer. J’essaie de me secouer, de fuir, de sortir, mais j’ai appris il y a bien longtemps que je ne peux rien y faire ! Sauf peut être marcher, aller faire une balade et laisser le poids s’envoler. Les histoires que j’aurais pu écrire reviennent, en catimini, frapper à ma fenêtre, et le chien, indéfectible compagnon de marche me regarde, sans rien figurer. Evidemment c’est un chien me direz-vous. Oui mais je parle aux chiens à moins que ce soient eux qui me parlent, aux maisons, aussi parfois…

    Il adore nos longues balades au bord de l’eau, le fleuve en contre-bas dans lequel jadis, il allait chercher les ragondins, et nageait étonné, lorsque les rongeurs disparaissaient , dans leur terrier sous marins. Il faisait des ronds en aboyant à tue-tête, incrédule et dépité de la subite disparition du rat d’eau.

    Alors il remonte les berges et débouche couvert de boue pour reprendre notre marche, maculer mes habits, en s’ébrouant vigoureusement, et me donner quelques morceaux du fleuve, quelques parcelles de boue où gisent les histoires.

    C’est un chien sage et coureur qui revient toujours à mes côtés, et sait m’attendre quand il le faut.  Nous reprenons notre marche , je connais chaque coin et recoin du sentier que j’ai parcouru des dizaines de fois, depuis sa construction . Je sais les jours où personne ne l’emprunte et les jours où il y a foule, je sais les matins de brume ou les jours d’orage où le sentier désert  déroule  pour nous. Je marche, absorbée par le rythme rapide de la marche. Je dépasse les autres marcheurs velléitaires ou flâneurs, l’animal baguenaude, autour reniflant et flairant les traces de ses congénères passés avant lui.

    Soudain, quand je n’y pense plus, les histoires frappent à ma pensée. Les Gorgones des sables, les truites de motte, les Alguls, les Ombres, se pressent dans ma tête, et me racontent leurs vies, leurs aventures, leurs amours. C’est souvent le capharnaüm, un fouillis indescriptible, une cacophonie étrange et déhanchée, ils sont trop nombreux à vouloir se faire écrire, je vais en oublier, ma main n’est pas assez rapide pour tout retranscrire !

    Il est temps que je rentre les coucher sur le papier, les écrire sur le rouleau de mon ordinateur, en rêvant du temps où un robot accompagnera mes marches et retranscrira mes histoires , juste en se branchant sur mon cerveau. Mais qui fera le travail d’écriture alors , et d’ailleurs c’est quoi “le travail d’écriture” , un peu pômpeux comme mot, pour un si petit travail ? est-ce  mourir à soi, et laisser la pensée des autres envahir son cerveau, les regarder passer et ne retenir que des bribes signifiantes, pousser ses propres sentiments, forcer les sensations, se donner aux personnages qui crient, hurlent et vitupèrent pour être écrits à temps. Est-ce une “petite mort”, une tranquille absence, une descente dans les profondeurs des âmes et les noirceurs du monde, une virée dans la folie des hommes et la sienne, une folie douce- amère ..la seule qui vaille la peine au fond !

    Je ne sais pas si les robots écriront un jour, mais le chien me regarde en quête d’actions, il faut sortir et risquer une nouvelle série d’histoires

    , encore et encore..

    SARAHLOUP