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    UNE INQUIÉTANTE ETRANGETÉ !

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    Au lieu de travailler sur mon prochain roman, je suis partie à Paris, ce week-end, petit détour mais grand séjour .

    La seine est en crue et les touristes se pressent pour regarder passer le fleuve nonchalant qui pourrait bien sortir de son lit et venir lécher les pieds des parisiens, pour les réveiller de leur quotidien. Le zouave en perdrait son latin !

    J’ai vu une exposition dérangeante au Musée du quai Branly  : “Persona, étrangement humain”, où l’inquiétante étrangeté de S. Freud s’incarne dans des objets bizarres  présentés, selon un parcours illustrant  les recherches du japonais Masahiro Mori.  plus une créature artificielle a une forme humaine, plus elle crée de l’empathie, jusqu’à un certain point, où cela s’inverse et provoque de la répulsion et de l’effroi. Sa vallée de l’étrange, zone à franchir pour les humains,  rouge écarlate dans l’exposition, vaut le détour et illustre son franchissement. Selon sa théorie, et de manière condensée, plus un robot ou une création humaine s’approche de l’humain plus elle devient étrange jusqu’à ce que la frontière entre animé et inanimé devienne si ténue que la trop grande proximité alimente l’étrangeté de l’objet. La palme pour moi revient à ces boites en plastique blanc, où des yeux animés regardent le visiteur en clignant leurs paupières de plastique, et l’on se prend à frissonner, à penser qu’ils pourraient bien nous sauter dessus, comme les fantômes et autres esprits inquiétants qui hantent ce lieu , dominés par le chamanisme et le spiritisme du XIX ème jusqu’à nos jours .

    Etrange vous avez dit étrange ?

    “Et s’ils étaient vivants” serait le mot d’ordre de cette exposition à voir absolument, pour ceux dont je suis qui aiment frissonner, se faire peur, et voyager dans le temps et les découvertes humaines .

    Une autre exposition à ne pas manquer, pour les parisiens et autres :

    Celle proposée actuellement à la fondation Louis Vuitton : les peintres chinois contemporains, Ai Weiwei Huang , Young Ping, Zhang Huan et autres et surtout la gigantesque statue en première salle, la chamane géante en peaux de bêtes, sublime de vérité, incroyable de réalité. Une mère gigantesque dont on ne sait si elle est endormie ou morte, sorcière ou chamane, bienfaisante ou malveillante;  elle porte un curieux enfant noir sur son dos,  à l’effigie de l’artiste, mort ou vivant on ne sait pas. La taille impressionnante et les matériaux confèrent à l’oeuvre une saisissante  primarité. Le mélange des peaux de bête et la douceur des traits frappent le visiteur de leur paradoxe monstrueux. C’est magique et fabuleux de beauté et d’étrangeté ! Beaucoup d’oeuvres cinématographiques, de statues géantes et colorées, l’arbre d’Ai Weiwei, reste un peu en deçà de ses habituelles et aériennes productions .

    300 oeuvres exposées dans l’écrin blanc du musée, ouvert récemment.

    Le sublime bâtiment réalisé par Frank Géhry, architecte génial , pose son vaisseau caravelle toutes voiles colorées par Buren, dehors , sur la forêt d’arbres du Bois de Boulogne  en toile de fond . Le quartier de la défense émergeant de la brume, inhabituelle en cette saison, depuis la terrasse Est, vaut le détour, là encore :

    Paris magique , Paris magnifique, éternel malgré la pluie insistante .

    Une pièce , le soir, au Théâtre de la Colline, “Nécessaire et Urgent”, de Annie Zadek, âmes sensibles s’abstenir, les autres courrez-y :  Lente litanie funèbre, 524 questions en une heure, voyage halluciné au pays des ombres. Les disparus de la Shoah reviennent en un questionnement dérangeant,  porté par deux comédiens géniaux et une mise en scène époustouflante. Supportée par un cube blanc et une plastique venue d’ailleurs, du passé ou du pays des morts , on ne sait , 524 questions percutent le spectateur, en un angoissant silence , et un questionnement qui résonne, très longtemps après dans la nuit, et hantent nos rêves et notre mémoire.

    On pourrait se demander si le théâtre, qui m’a toujours paru être un art cru, direct et à la propriété percutante et singulière, ne serait pas le plus premier des arts, est à voir urgemment, au nom de tous les disparus de la shoah mais au nom aussi de tous ceux qui disparaissent sous nos yeux actuellement  !

    SARAHLOUP