LE CARAVAGE ET BARTABAS/ Jérome Garcin

cheval dressage écuyer

le caravage et bartabas

“On ne compte plus les films tonitruants et bavards consacrés à l’écuyer Bartabas. Celui d’Alain Cavalier, à la fois sensuel et spirituel, est unique. Il nous montre ce qu’on ne voit jamais : la chambre à monter.
Bartabas et son cheval préféré, Caravage, dans “Le Caravage” d’Alain Cavalier. (Pathé Distribution)Bartabas et son cheval préféré, Caravage, dans “Le Caravage” d’Alain Cavalier. (Pathé Distribution)

À LIRE AUSSI
Bartabas : “On achève bien les anges”, charnel et spirituel
Il fallait bien qu’un jour, à l’écran, le grand Cavalier consacre le grand écuyer. C’est chose faite, même si leur rencontre est ancienne. Le cinéaste de “Libera me” a en effet commencé à filmer Bartabas il y a dix ans, dans les coulisses du Châtelet, où, déjà en selle sur le Caravage, il galopait vers la Chine intérieure de Victor Segalen. Il a pris ensuite l’habitude d’aller rôder dans le camp retranché du chef de la tribu Zingaro, au fort d’Aubervilliers.

Là, avec sa petite caméra DV, le filmeur se glissait discrètement dans les écuries, le manège ou la carrière. Mais jamais il ne pénétrait dans le théâtre, cette cathédrale en bois sous la voûte de laquelle se donnent, le soir, les grand-messes équestres. Car ce qui, au sens propre, captivait Alain Cavalier, c’était leur mystérieuse préparation. Et c’était en particulier le lent, patient et précautionneux travail de Bartabas avec le Caravage, cet anglo-hispano-arabe à la robe isabelle, aussi brillant qu’un vieux cuivre, aussi rond qu’un fruit mûr.

Très tôt le matin, avec une fascination et une émotion d’autant plus fortes qu’il est néophyte en matière d’équitation, Cavalier assistait dans la pénombre à ce qu’il appelle “une cérémonie intime” : le dialogue silencieux entre le cavalier et sa monture, leur entente mélodieuse et méthodique, enfin l’apparition légendaire du centaure, moitié homme, moitié cheval.

La chambre à monter

On ne compte plus les films tonitruants et bavards consacrés à Bartabas. Celui-ci, à la fois sensuel et spirituel, est unique. Pour la première fois, en effet, il nous montre sans un mot, sans autres musiques que celles des sabots, des cuirs, des brides et des souffles, ce qu’on ne voit jamais : la chambre à monter – comme on dit “chambre à coucher” – où l’artiste s’accouple avec l’animal avant d’oser se produire en pleine lumière, dans le sable de la piste circulaire.

Avec quelle tendresse, et un rien de jalousie, le réalisateur de “Thérèse” filme aussi les longs préliminaires de l’extase : le pansage du Caravage, le curage de ses pieds, le nattage de sa queue, la pose des bandes sur ses tendons, et le travail à la longe avant le sanglage. Et puis, il y a cette scène tournée comme en caméra cachée : en pleine nuit, Bartabas se glisse dans la stabulation où somnolent une vingtaine de chevaux argentins, s’assied dans la paille, immobile, méditatif, et alors tous les naseaux se penchent vers lui pour caresser son visage. A la fin, c’est le Caravage qui viendra à son tour lécher voluptueusement l’objectif de la caméra de Cavalier, lequel éclate de rire. Le rire d’un piéton tombé lui aussi amoureux du Caravage.

Jérôme Garcin

♥♥♥ “Le Caravage”, documentaire français par Alain Cavalier, avec Bartabas (1h10).

je relaie, ici, les mots de Jérome Garcin, pour vous inviter à aller voir ce film, unique sur le lien qui unit un homme et sa monture, Bartabas et son cheval, Le caravage.

Unique, sobre, pur et sensuel, le film d’Alain Cavalier cadre au plus près l’ immense et humble amour entre un homme et un cheval. Comme un Demi dieu, le cinéaste communique l’ expérience mystique, la communion à l’aube, la lumière du soleil qui émerge à peine, et les reniflements du cheval, seul avec son cavalier dans la carrière. C’est une expérience de solitude, de gestes répétés, de don calculé, de cession de nuque dans un mouvement gracieux d’abandon, que le cheval offre à son cavalier, si celui-ci sait attendre.

Cavalier met sa caméra au service de Bartabas, et attend . Alors on voit se déployer les gouttes de lumière d’un homme qui, dans la nuit, va se rouler avec les chevaux argentins, dans la sciure, et le sable pour partager leurs rêves.

Il ne manque que l’odeur, des chevaux et des cuirs, et de la rosée. Lorsque l’étalon se roule en gémissant de plaisir et revient vers son cavalier, pour s’ébrouer, jouer avec lui et la caméra qu’il finira par lécher pour le plus grand plaisir du cinéaste, nous partageons un moment exceptionnel de cinéma et d’émotion.

Un don à la caméra, une communion au petit matin, entre l’homme et le cheval qui lui donne les figures de la haute école de dressage. Ce sont les gestes cent fois répétés, le lent et minutieux travail quotidien et rituélique qui nous est donné ici, dans ce film minimaliste et lumineux, qui retrace la spiritualité intime entre un dresseur exceptionnel et un étalon malicieux, vu par un grand cinéaste qui s’efface devant un miracle qui s’accomplit chaque jour. Les mots s’effacent devant l’image que n’accompagne nulle musique, nul commentaire, juste et seulement l’image, comme une hésitation, un recueillement.

Pour les amoureux des chevaux mais aussi les autres…

Sarahloup

Vous Pourriez Aimer ces Articles

2 Commentaires

  • Reply
    sylvie arditi
    31 octobre 2015 at 11 h 30 min

    Merci d’avoir partagé ce bel article, justement nous venons de voir le film avec ma fille, j’ai pensé à toi et je lui racontais ce qui aurait pu être ta voie! Ce texte met en mots (très justement!) ce qu’on a pu ressentir devant ces images et nous donne des informations absentes du films, comme la race des chevaux, les termes techniques ou exacts pour définir la couleur d’une robe… On peut juste se demander : si le film les taisait, alors pourquoi Jérôme Garcin qui apprécie tant l’absence de bavardage, a-t-il trouvé nécessaire de les dire ;). C’est si bien dit qu’on lui pardonne! Bious!

  • Reply
    sarahloup
    31 octobre 2015 at 17 h 20 min

    merci beaucoup

    et bravo à toi pour les chaussettes surtout le (2).. à très vite

  • Laisser un commentaire