GLANEURS DE RÊVES / PATTI SMITH

il y avait une grange blanchie à la chaux...

il y avait une grange blanchie à la chaux…

“IL y avait un champ.

Il y avait une haie composée d’énormes buissons qui encadraient ma vue. La haie, je la considérais comme sacrée- le bastion de l’esprit. Le champ, je le révérais, avec son herbe haute et attirante, sa courbe puissante.

Plus loin, sur la droite, il y avait un verger, et sur la gauche, une grange blanchie à la chaux qui portait les mots SALLE DE BAL au dessus des doubles portes. le dimanche soir, c’était là que nous nous retrouvions tous pour danser au son et à l’appel du violon.

Plus tard, après mon bain, ma mère me brossait les cheveux, puis je disais mes prières et elle venait me border. j’attendais que tout soit silencieux. Alors je me levais, je montais à califourchon sur une chaise, j’écartais le tissu qui recouvrait ma fenêtre et je continuais mes prières, vagabonde, pour saluer mon Dieu.

Par certaines nuits spécialement claires, il m’arrivait de voir du mouvement dans les herbes. Au début, je pensais que c’était l’envol de la chouette effraie ou les grandes ailes pâles d’un papillon lune qui se déployaient et se repliaient tel un habit médiéval. mais j’ai compris une nuit que c’étaient des êtres comme je n’en avais jamais vus, vêtus d’étranges costumes et de coiffes archaïques. Je pensais alors que je pouvais voir le blanc de leur bonnets et, par instants, une main, en train d’attraper quelque chose, illuminée par la lune et les étoiles ou les phares d’une voiture…

..sous le grand noyer la fratrie s’immobilisait, et cet endroit nous semblait même en plain jour, le plus discret et le plus silencieux du monde. Là, enveloppés dans une atmosphère à la fois solennelle et douce, on fumait l’amadou qu’on avait découpé dans les marais, on communiait pendant les heures sans pourtant dire un mot. ces instants nous emplissaient de joie. des morceaux de joie dont je me délecte encore en relisant ces notes…

..on aurait dit que toute la carte de la création était tracée là-haut et, distraite du rire des autres enfants, je basculais dans une immobilité que j’aspirais à maitriser. là, il était possible d’entendre une graine se former, d’entendre l’âme se replier comme une nappe blanche…

c’était là que je pensais qu’ils étaient, ces êtres. Je les entendais, de temps à autre, murmurer et siffloter comme derrière un mur de coton…”

Heureuse Patti Smith qui a le privilège d’entendre et d’apercevoir ceux que le vieil homme de son enfance nomme :

“les glaneurs de rêve”..

Peut-être, comme elle, faites-vous partie de ceux qui les voient et les entendent les nuits claires d’été , les nuits sans lune d’hiver.. ou entre deux orages..Comme elle, je les ai entendus même si je n’ai pas compris leur langue ni leurs murmures..

Comme elle, je les savais là, je sentais leur présence lorsque, petite fille, je fermais les yeux fort, si fort que mes paupières en tremblaient…

Comme elle, il y avait dans mon enfance, un vieil homme qui décryptait les signes pour moi.

Magistral texte que le sien, tout entier sur l’empreinte et les songes d’une enfance enfuie dont elle nous fait partager la mélodie retrouvée .

J’adore son livre au titre magnifique. Comme sa prose, le livre s’envole avec les souvenirs et emporte le lecteur dans un souffle puissant, évocateur, aérien .

D’une grande musicalité , ses mots nous entrainent avec ses souvenirs, dans un monde qui ressemblent aux livres de Pat Conroy, le Prince des Marées ou Beach Music..

La poésie et le lyrisme de plus, Elle est inclassable , géniale.. comme sa musique, “Horses”, à l’époque avait enthousiasmé tous les kids justement , de sa voix cassée, éraillée, et nous avait emportés de son son unique et envoûtant.

Les glaneurs de rêves ont accompagné le destin hors norme, d’une artiste exceptionnelle.

Elle écrit comme elle chante, à moins que ce soit l’inverse

qu’importe au fond,

Ses mots parlent et les Glaneurs de Rêves veillent

une grande poète, un grand talent  !!

à lire.. absolument…

SARAHLOUP

Vous Pourriez Aimer ces Articles

3 Commentaires

  • Reply
    renneelucie beauvieux
    15 juillet 2015 at 6 h 58 min

    C’est fait j’a eu le bonheur de lire ce livre que tu analyses et t’appropries formidablement. Nous partons ce matin pour trois jours à la Jenny, si tu es encore à Bx on pourrait se voir en fin de semaine je t’embrasse à très bientôt. Renée Date: Tue, 14 Jul 2015 19:14:49 +0000 To: reneelucie.beauvieux@dartybox.com

  • Reply
    sylvie arditi
    15 juillet 2015 at 8 h 38 min

    Merci de partager ce moment d’enfance intense . Il était dans mes projets de lire ce livre, projet qui s’est trouvé enfoui sous d’autres . Le voilà retrouvé grâce à toi.
    Bisou

  • Reply
    Beauvieux
    20 juillet 2015 at 8 h 51 min

    Tu m’as donné envie de la relire… et moi aussi me replonger dans les souvenirs de l’enfance.

  • Laisser un commentaire